Étiquette : Equateur

La esperanza, siempre…

Sans doute jamais durant ce voyage je n’aurai eu autant l’impression d’être utile, d’effectuer un travail abouti, de me trouver dans un contexte aussi propice aux ambitions qui m’animent, qu’ici à La Esperanza, paroisse (division administrative en-dessous de la municipalité) de 4000 habitants située à une heure de Quito, au pied du volcan Cayambe. Bien sûr il y eut Jacobina, dans l’état de Bahia au Brésil et le travail fantastique de COFASPI pour équiper les familles rurales du sertao à accumuler l’eau de pluie dans des citernes et promotionnant l’agroécologie via les marchés bio, les formations et les échanges, le tout dans un contexte de contamination des sols par la mine d’or illégale. Je peux d’ailleurs faire le lien sans difficulté avec le travail de la paroisse agro-écologique de La Esperanza qui est elle sous le joug des floricultures qui absorbent la majorité de la main d’oeuvre locale dans une proposition qui n’a rien d’écologique ni de social. La différence est peut-être qu’ici je jouis d’une confiance infinie, ce qui me permet d’influer sur les décisions locales, étant même devenu un membre fréquent des réunions du gouvernement local.

Floriculture au pied du Cayambe

La paroisse de La Esperanza commence à être connue petit-à-petit: au niveau local, par son opposition farouche au chef municipal accusé de corruption à tout-va, au niveau provincial par sa participation dans les processus de développement durable, au niveau national et même international pour son combat pour l’agro-écologie. Dans l’univers des floricultures, il s’agit d’un village où existent d’irréductibles défenseurs du bien-vivre, el “bien vivir”, el “Sumak Kawsay” en quechua, langue indigène locale. Car les floricultures poussent comme des champignons. Toutes illégales, défiant toutes les lois sociales et environnementales, ces entreprises très “verticales” interdisent notamment aux travailleurs de former des syndicats. Je connaissais déjà le côté de la vente des roses dans les restaurants européens au moyen de sans-papiers, je connais maintenant l’exploitation de ceux qui respirent les pesticides de l’autre côté du monde, le nouvel aéroport de Quito permettant de connecter les deux via transport aérien. Le jeu de la ficelle de la rose… ne le serait pas! Alors que le bourgmestre/maire de Pedro Moncayo a déclaré sa municipalité capitale mondiale de la rose, ses détracteurs rétorquent “capitale mondiale de l’exploitation” ou ”capitale nacionale de la corrupcion”. On est en pleine période de Saint-Valentin depuis trois semaines, avec des journées de 10h du lundi au samedi, parfois même plus. Je ne sais pas pour vous mais personnellement je n’acheterais plus de rose pour rien au monde… sans savoir d’où elle vient!

Hilario et son véhicule présidentiel

Il y a trois semaines a eu lieu un événement singulier: une assemblée extraordinaire de la “Junta de agua”, genre de coopérative qui gère l’eau potable de la paroisse. En fait, si on remonte en arrière, c’est par là que tout a commencé, par la lutte pour l’eau. Une première fois lorsqu’un indigène s’est révolté contre l’injuste labeur qui devait être payé pour avoir accès à l’eau potable, menant en 1979 à l’attribution de la propriété de la source dite de Potosi à la paroisse, une autre fois plus récemment lorsque Hilario Morocho demanda le détail du projet de restauration du réseau appuyé par la banque mondiale. Face au refus de donner des explications, la population s’est indignée et il fut découvert que ce projet masquait une ample corruption. La lutte pour l’eau reprenait et Hilario était désigné président de la “Junta de Agua”. A partir de là, tout s’enchaine avec des aides internationales qui arrivent d’ONG comme SwissAid entre autres. La gestion de l’eau sera un domaine réservé de la paroisse, et géré via des décisions prises en grandes assemblées, comme celle à laquelle j’ai assisté. Le motif de celle-ci: informer les utilisateurs qu’une floriculture immense est en train de s’installer quasiment sur la source principale d’eau potable, celle de Potosi! Ni une ni deux, décision est prise à l’unanimité des 400 participants d’aller de bon matin le lendemain rendre une visite au propriétaire. Objectif: le sommer d’arrêter toute construction sans avoir de permis et l’avertir que s’il n’obtempère pas la prochaine visite sera plus musclée.

Assemblée générale

C’est plus de 200 personnes qui se rendent de petit matin à l’exploitation, une moitié via une ascension de près d’une heure à-travers les bois, passant par la source de Potosi. Le groupe est discipliné, mais décidé, et les discours prononcés en présence de la police et d’une garde privée engagée par l’exploitant sont courtois mais fermes. Il y a effraction totale de la part de cet homme d’affaire qui en plus d’installer des équipements à un endroit où aucune activité économique ne peut être effectuée s’est permis de remplir un énorme réservoir au moyen de l’eau de la paroisse. Face à la présence imposante des habitants et les arguments avancés par les intervenants, l’exploitant n’a d’autre choix que d’obtempérer, et le groupe quitte le lieu conscient d’avoir marqué un grand coup pour la justice locale. Dans la foulée, en redescendant, nous passons aussi informer d’autres exploitants (tous illégaux!) qu’ils vont devoir se régulariser sous peine d’eux aussi avoir des problèmes.

A la lutte pour l'eau potable
L'intérêt personnel contre celui d'une population

Aujourd’hui, la justice s’occupe de ce cas emblématique installé sur la source même de l’eau potable, mais presque chaque jour apparaissent de nouvelles floricultures, et la justice est lente. C’est pourquoi l’action directe des habitants est essentielle. Offrir une alternative économique via l’agro-écologie, c’est tout le projet du gouvernement parroquial dont le président actuel est Hilario Morocho. Sous son impulsion, les projets se multiplient, en partenariats avec des ONGs, les différents niveaux de gouvernement (excepté municipal!), les étudiants,… Un marché bio a vu le jour il y a quelques années et une pluriversité (concept bien plus intéressant que celui d’université) indigène enseignant l’agro-écologie y est présente.

A mon arrivée, Hilario m’a parlé de mille et une choses à faire, mais j’ai décidé de me concentrer sur un projet en particulier: les potagers éducatifs de la paroisse. En particulier celui de la garderie (des enfants dont les parents travaillent dans des floricultures) et celui de la “Junta de agua”. Dans chaque potager, le travail est collectif (minga) et dans le premier cas, ce sont les parents qui en ont la charge, dans le deuxième ce sont les vieux isolés qui bénéficient d’un repas de midi tous les jours de la semaine, via un programme du gouvernement Correa. Deux publics extrêmement difficiles, mais qui forcent l’éducateur que je suis à inventer sans cesse pour réaliser l’objectif: que les repas soient le fruit d’un travail collectif de leurs propres bénéficiaires, en incluant les cuisinières, les nutritionistes, les coordinateurs,… afin de changer la culture alimentaire riz blanc/coca-cola pour retrouver la gastronomie andine. Un projet infini pour une utopie partagée. Celle de la foi dans la justice, le respect de la vie sous toutes ses formes, un combat où je suis heureux d’appuyer mes valeureux amis.

La esperanza, siempre!

Action pour un Equateur sans OGM, Quito

Ce mercredi 26 septembre a eu lieu une action de sensibilisation à la problématique des semences transgéniques au centre de Quito. Banque de semences paysannes, animations pour enfants, présence de producteurs et des associations agro-écologiques du pays, je vous laisse les photos prises sur place.

L’événement intervient en tout cas à un moment où le débat fait l’actualité un peu partout.

  • En Equateur tout d’abord, il y a quelques semaines, le président Rafael Correa, qui jouit d’un soutien populaire important, a annoncé lors de son intervention télévisée hebdomadaire qu’il envisageait d’autoriser la culture d’OGM dans le pays, ce que la constitution interdit pourtant explicitement. C’est même totalement à contre-courant du travail de la COPISA (COnférence Plurinationale et Interculturelle de la Souveraineté Alimentaire), un organe de la société civile et de l’état qui a émis en début d’année une proposition de loi concernant la biodiversité, les semences et le soutien à l’agro-écologie. Elaboré de façon participative, ce travail a été réalisé suite à une demande de l’assemblée nationale de l’Equateur, et vise à assurer et promouvoir la libre circulation des semences paysannes, contrôler les semences industrielles certifiées et interdire et sanctionner l’entrée d’OGM dans le pays. Au moment où cette loi est discutée à l’assemblée nationale, la mobilisation organisée est donc de première importance. Plus d’informations ici en espagnol.

 

  • Au Paraguay, diverses manifestations ont eu lieu lors de la semaine de la semence, du 17 au 23 septembre, suite à la signature d’une loi autorisant le coton transgénique, et l’imminence d’une autre concernant des cultures transgéniques de mais, entre le président non-élu Federico Franco (désigné par le congrès) et les plus grands semenciers. Plus d’informations ici en espagnol.

 

  • Cette action était conjointe à une manifestation mondiale du mouvement Ocupy: Ocupy Monsanto S17, avec des actions dans les villes de nombreux pays dont Canada, Etats-Unis, Argentine, Japon, Allemagne, … Plus d’infos ici en anglais.

 

  • En Europe, l’association Kokopelli, lutant depuis des années pour libérer la semence paysanne vient de se voir condamner de façon scandaleuse par la cour européenne de justice, leur activité de sauvegarde de la biodiversité redevenant illégale! Mais nous ne nous laissons pas faire! Plus d’informations sur leur site.

 

  • Il y a quelques jours, une étude française mettait enfin sur le devant de la scène les risques sanitaires des OGM, alors qu’est dénoncée depuis longtemps l’insuffisance de tests d’une technologie dont on ignore encore tout des conséquences à long terme. Un point de vue des Amis de la terre ici.

 

  • En Belgique enfin, on apprend que les 80 comparants volontaires, solidaires avec les 11 inculpés de l’action d’échange de patates de Wetteren, ne sont pas autorisés à comparaître aux côtés des inculpés lors du procès qui débutera en janvier.

C’est le moment plus que jamais de réaffirmer que la semence doit être libre d’être conservée, reproduite et échangée: c’est la base de la biodiversité. Pour cela, il convient en Europe de modifier la loi infâme l’interdisant. Mais comme le dit le président de Kokopelli, légal ou pas nous continuerons à le faire!

C’est le moment d’interdire la culture d’OGM, et d’étendre cette interdiction au monde entier, n’en déplaise à des Monsanto et Co, des études sérieuses étant à réaliser avant toute poursuite de cette chimère. Si des expériences en plein champ sont réalisées, nous continuerons à les mettre hors d’état de nuire, que ce soit légal ou pas. De nombreuses régions sont libres d’OGM, est-ce le cas chez vous?

C’est le moment de revenir en arrière sur le brevetage du vivant. Il est tout à fait nuisible de se déclarer propriétaire d’une semence, de cellules, d’animaux, et de toucher pour cela des Royalties. Cela devrait redevenir illégal.

Les semences sont un bien commun, un des plus importants de l’humanité, les semences paysannes sont les gages de notre futur, et non celles qui ont besoin de tout le package industriel et qui, en aucun cas, n’offrent un meilleur bilan systémique. Ecoutez Vandana Shiva si vous avez des doutes!

La lutte s’intensifie, le débat revient sur la place publique, le défi mondial que représente cette question essentielle semble être prêt à être relevé, tendez les oreilles, préparez-vous à l’action, et dans tous les cas, gardons les semences, apprenons à les connaître, reproduisons-les, échangeons-les, elles sont la base de notre vie.

A diffuser!

Restez connectés!

http://www.combat-monsanto.org (FR, ENG, ES)

http://www.kokopelli-semences.fr (FR), http://www.kokopelli-be.com (FR)

http://www.redsemillas.org (ES)