Étiquette : Tierradentro

L’école en marchant: un chemin d’éducation Nasa à Tierradentro

Contexte local

« La nature m’a enseigné comme elle l’a fait avec les oiseaux du bois solitaire qui y entonnent des chants mélodieux et s’attèlent à construire avec adresse leurs petites maisons sans maître », Manuel Quintín Lame

P1150797

Il y a 30 ans qu’a débuté la préoccupation pour la récupération de la culture Nasa, à-travers du CRIC, le Conseil Régional Indigène du Cauca. Après 500 ans de colonisation, débutée par de violents conflits étant donné la résistance de ce peuple aux conquistadores, ensuite menée par les jésuites chargés de l’évangélisation des esclaves et des indigènes, enfin aujourd’hui perpétrée via l’institutionnalisation des territoires par l’état colombien, l’appareil scolaire occupant une place prépondérante.

Des trois phases de domination, la forme actuelle semble être la plus efficace. Si 500 ans de guerre et de présence des prêtres n’avaient pu anéantir l’essence de la culture Nasa, le système scolaire est en train de le faire en à peine quelques générations, transformant l’être Nasa (pour qui la nature est à l’origine de toute chose) en un consommateur capitaliste frustré par sa “pauvreté” (celui-ci considérant l’argent comme l’origine de toute chose). Il paraît indispensable aujourd’hui de repenser l’éducation, si le peuple Nasa veut poursuivre avec un mode de vie que seuls pratiquent encore leurs aînés. Mais si beaucoup reconnaissent cette nécessité, la divergence est grande entre les conceptions de cette éducation “propre”.

La majorité voit l’école comme l’unique endroit pour se former et atteindre un certain “niveau de vie”, rejetant les valeurs ancestrales. Une situation bien commune dans notre système capitaliste global, mais qui interpelle davantage dans le cas d’une culture de résistance comme celle du peuple Nasa. L’avalanche de 1994 n’a aidé en rien: suite à ce débordement du fleuve Páez qui tua 1500 Nasas ont débarqués les chacals culturels de la coopération internationale, sous la forme d’ONGs, d’institutions colombiennes et étrangères. La tentation de regarder ce peuple comme “des pauvres qui n’ont ni santé ni éducation” (paroles du dirigeant de la Nasa Kiwe, entité chargée de la reconstruction, durant la rencontre de Avirama le 25 avril 2013) fut bien trop grande. Analysé de façon plus politique, il s’agit aussi de l’opportunité d’en finir avec une résistance qui dure depuis 500 ans, et qui s’est souvent exprimée par la violence. Dans le Cauca s’était formée la guérilla Quintín Lame il y a une trentaine d’années, pour récupérer les terres que le gouvernement colombien et les grands propriétaires leur avaient prises et pour protéger leurs dirigeants. Cette guérilla a déposé les armes il y a longtemps mais il y a encore aujourd’hui dans les montagnes des guérilleros des FARCs et du ELN (parmi eux des indigènes de Tierradentro). Si ces guérillas actuelles ne sont pas acceptées par la majeure partie du peuple de Tierradentro, elles sont vues par d’autres comme l’unique moyen de résister face au gouvernement national très néo-libéral, qui ressemble plus à une dictature qu’à une démocratie.

Beaucoup d’observateurs extérieurs suivent actuellement le processus de paix en Colombie, les multinationales étant prêtes à exploiter les ressources abondantes de régions qui seraient finalement sous contrôle de l’état, qui cherche par tous les moyens à rallier les opposants à ce processus.

P1150597

Education propre

« Nous ne pourrons pas aller au-delà de la société de consommation à moins de comprendre en premier lieu que les écoles publiques obligatoires reproduisent inévitablement une telle société, indépendamment de ce qui s’y enseigne« , Ivan Illich

P1150628

Au centre de ce contexte extrêmement complexe se trouve la question éducative, vue par certains comme le chemin menant au nirvana de la consommation, vue par d’autres comme le moyen d’annihiler la résistance au système capitaliste et de pouvoir exploiter les ressources de zones protégées, vues enfin par d’autres comme une manière de récupérer la culture ancestrale en intégrant les savoirs modernes.

Quand je suis arrivé à Belalcazar, j’ai rencontré des personnes de la Nasa Cxha Cxha, l’association des dirigeants indigènes de la municipalité de Páez, qui m’ont parlé pour la première fois d’éducation propre. Intrigué, j’ai alors rencontré l’équipe éducative qui m’a chaleureusement reçu et présenté le travail en cours. La priorité est la récupération de la langue locale (Nasa yugwé[i], que les professeurs doivent parler) et il y a une collecte d’informations auprès des aînés en vue de les inclure dans le curriculum en construction. Cependant, il y a de nombreux aspects de la vie quotidienne qui “font” la culture Nasa et il est impossible d’appliquer de façon concrète ceux-ci dans les cadres rigides de l’éducation moderne. Revenant à Ivan Illich et à sa critique radicale « Une société sans école », j’ai partagé avec mes amis éducateurs ma préoccupation de voir acceptées dans leur proposition les méthodes du système moderne. Je me suis alors proposé de les appuyer dans une méthode de recherche pour identifier ce que pourrait être la forme de l’éducation propre.

En visite à Inzá, la seconde municipalité qui avec Páez forme Tierradentro, je me suis vite rendu compte que l’équipe éducative de la Juan Tama, l’association des dirigeants indigènes de Inzá, avait déjà réalisé ce travail. Mieux, ils ont créé un processus tout à fait original, qui chemine avec conviction vers une éducation propre. Tout de suite j’ai vu dans cette expérience une possibilité réelle de maintenir la culture Nasa. Débuté entre les murs d’une école, « l’école en marchant » est sortie de ceux-ci pour rencontrer le savoir ancestral, parcourant le territoire entier.

Ecole en marchant

« Voyageur il n’y a pas de chemin, le chemin se construit  en avançant… », Antonio Machado

P1070168L’éducation ne doit pas forcément passer par l’école, on apprend avant tout par l’expérience. Pour cela, l’école ne se confine pas en un lieu mais consiste en une découverte du territoire.

Les matières ne sont pas enseignées avec un horaire classique, mais sont incluses dans le parcours, dans une approche globale et non fragmentée comme dans les autres écoles. On n’apprend pas des matières, sinon à vivre en harmonie avec son territoire.

La notion du temps leur est propre. L’année Nasa commence le 21 juin au solstice, et le travail suit les phases lunaires, qui déterminent aussi le moment des semis, les rituels sacrés,…

La dimension spirituelle est fondamentale, se connecter aux esprits et à la terre-mère est au centre du processus. Dans cette optique, l’apport des aînés et des « te hwahla »[ii] est très grand. Mais comme le dit un « te hwahla » parlant de “l’école en marchant”: « Les esprits sont avec nous, ils nous supportent dans notre tâche ».

Je traduis ici quelques paroles d’Angélica:

Nous sommes peu nombreux, c’est une petite école qui n’a de grand que les rêves… mais cela constitue la preuve que si, nous pouvons faire quelque chose d’autre. Ce sont 7 garçons et filles qui sont en train d’apprendre en parcourant le territoire, en ne s’isolant pas de la réalité qu’eux-mêmes sont en train de vivre, sans suivre des horaires ni des matières strictes qui fractionnent la connaissance. Leurs parents sont tout le temps impliqués, engagés. Pour l’instant nous sommes trois personnes, et nous demandons aux enfants de ne pas nous appeler “profs” car nous aussi sommes en train d’apprendre et de nous surprendre de choses simples que nous ne nous étions pas donné le temps de vivre. Il y a aussi d’autres personnes de l’extérieur qui interviennent car ils croient comme nous dans ce tissage progressif de nos rêves.

Ces sont 7 enfants entre 6 y 12 ans qui font partie de l’école en marchant de San Andrés[iii], plus 6 enfants de moins de 5 ans à Yaquivá qui commencent avec une prof bilingue, parce qu’il faut commencer dès l’apprentissage de la langue maternelle. Ces enfants se déplacent de maison en maison mangeant ce qui provient du potager qui se réalise dans chaque famille en mingas avec les parents de tous les enfants. Il y a aussi des groupes d’adultes à Yaquivá, qui une fois par semaine se retrouvent dans le potager d’un du groupe, pour désherber à la machette et faire du compost.

P1150965

Comme le dit Rivel, l’éducation est intégrale:

Le chemin de l’éducation doit nous mener à vivre dignement, heureux, en harmonie avec notre terre-mère, avec nous-mêmes et avec les autres, à être autonomes dans nos décisions de la plus petite jusqu’à la plus grande, dans ce sens nous nous éduquons par la pratique. Le premier point qui nécessite à être travaillé dans cette société endormie et soumise pour reproduire le système est la conscience. Nous faisons cela à partir de la récupération des semences, la réalisation d’engrais organiques, la réalisation du potager, la réflexion et la formation d’êtres sensibles avec capacité d’analyse et de discernement sur ses propres problèmes.

Dans cette perspective nous sommes 20 familles à nous rencontrer les mardi, mercredi et vendredi pour faire le potager et récupérer les semences. Chaque jour, nous passons une heure à réfléchir sur le contexte, à définir des moyens d’action et des engagements pour rééduquer petit-à-petit nos esprits, habitudes, corps qui sont déjà contaminés par le système capitaliste. Nous nous éduquons pour la vie. Il est nécessaire de voir l’éducation comme intégrant toute la société, toute la famille depuis le plus petit jusqu’au plus grand. Si l’éducation répond aux nécessités et à la réalité des familles, elle sera solide. Notre perspective d’éducation englobe nécessairement la famille dans son ensemble.       

Les participants sont bien conscients de ce que signifie cette méthode, et c’est bien nécessaire car beaucoup ne la soutiennent pas. Du gouvernement qui ne la valide pas, jusqu’aux communautés qui ne jurent que par les écoles modernes. L’appui le plus précieux vient des aînés qui y voient l’unique moyen de préserver la culture Nasa.

 

Difficultés actuelles 

« Si tu viens pour m’aider, tu perds ton temps. Mais si tu viens parce que ta libération est liée à la nôtre, alors commençons », Lily Walker

Si l’ancienne direction de la Juan Tama partageait la vision décrite ici, permettant le développement d’un projet comme “l’école en marchant”, la nouvelle direction voit les choses d’un autre œil. C’est symptomatique des divergences sur l’éducation propre. La conséquence directe est l’arrêt de l’appui financier dont ils bénéficiaient pour les déplacements, la rémunération des accompagnatrices, du matériel,…

Si l’objectif est d’être à terme entièrement autonome financièrement en consolidant une économie “propre”, il y a encore du chemin à faire pour y arriver. L’équipe cherche donc des fonds, en se méfiant du paternalisme. Comme le dit Rivel:

L’argent conditionne la volonté, et quand il n’y plus de volonté tout s’arrête. L’éducation propre doit être comme l’eau qui coule dans la rivière et qui contourne tous les obstacles pour continuer son chemin.

P1150699

La ressource économique principale dans la région est le café. Un café organique de grande qualité est exporté en Europe et aux Etats-Unis, le Café Tierradentro. Il y aussi des coopératives qui fabriquent des savons écologiques, shampooing, huiles essentielles et autres dérivés de plantes médicinales, des pâtes alimentaires. La volonté est d’éviter de dépendre des exportations de café, qui pourraient se faire au détriment des autres productions agricoles.

Au-delà d’un manque de soutien, le groupe fait face à des attaques directes. Au niveau politique, la proposition dérange et le leader du groupe a déjà été menacé de mort. Je reprends quelques paroles d’Angélica sur la situation dans le territoire de San Andrés:

Le tissu se renforce de la relation que nous tenons avec les êtres de la nature qui nous donnent la vie et que nous remercions tous les jours. Et qui nous aident à faire face aux différents obstacles qui se présentent. Parce que pour “tout petit” que paraît ce processus, il s’est converti en quelque chose de grand qui a mis en péril plusieurs d’entre nous.

En ce moment le gouvernant actuel et son équipe, […] ainsi que des personnes de la communauté […], sont en train de nous attaquer, ils le font car beaucoup de ceux qui supportent cette école furent les leaders qui commencèrent à lutter pour l’éducation propre à San Andrés il y a presque 3 ans. L’école que nous avions formée s’est convertie en un collège conventionnel avec un nom indigène, comme tellement d’autres, ce que nous ne validons pas et qui est la raison pour laquelle nous avons entamé cette nouvelle expérience. [“L’école en marchant”]

L’attaque n’a pas été facile puisque la discussion est de fermer notre école et qu’ils n’ont pas pu puisqu’elle n’a ni portes ni murs, raison pour laquelle ils veulent nous punir en nous chassant du territoire en nous reprochant ce qu’ils appellent “divisionnisme”.[…]

Quoiqu’il en soit, nous continuons avec forcé et énergie parce que nous y croyons et que nous sentons c’est un chemin possible… […]

L’idée est de faire prendre conscience à d’autres qu’ici comme ailleurs on peut rêver et travailler pour réaliser nos rêves, qu’on peut vaincre la peur de penser ou faire quelque chose de différent, quelque chose de juste, de digne d’être vécu.

 

Rêves à partager

Effleurant à peine ce que ce groupe est en train de faire, j’ai été impressionné par la profondeur de son engagement envers sa culture et ses utopies. Je me suis mis à rêver que, si, nous pouvons changer le système éducatif. Ils sont en train de le faire.

En même temps le plus grand problème est pour eux de partager ce rêve à l’intérieur de leurs propres communautés. Pour cela, ils sont dans une phase difficile de négociation, pour faire accepter cette forme d’école.

Arrêtant un moment mon grand voyage pour écouter parler d’éducation propre, j’ai voulu cherché aux côtés des éducateurs de la Nasa Cxha Cxha. Mais j’ai découvert une expérience qui me parait poser les bonnes questions. Pour cela, je tiens ici à la partager avec tous, parce que ces chemins vers le “bien-vivre” se construisent dans l’adversité, celle de lutter pour modifier la réalité. Je souhaite que cette expérience soit diffusée, respectée et accompagnée pour que mes amis  reçoivent des énergies positives dans leur chemin vers la paix, la vraie, pas celle qui permettrait une destruction de la vie.

Pai[iv] compañeros pour votre magnifique travail!

Merci à tous ceux qui pourront diffuser cette fantastique expérience!


[i] La langue locale est de tradition orale. Il n’y a pas beaucoup de sens à l’écrire, parce qu’elle perd sa dimension symbolique, spirituelle. Les premiers à vouloir le faire furent les curés dans une optique d’évangélisation. Une unification de l’écriture a été réalisée par le CRIC ces dernières années mais le débat reste entier. Les quelques mots que j’écris le sont à partir de la prononciation et non de l’orthographe unifiée, la seule manière de les comprendre complètement est de les vivre!

[ii] Te  hwahla » est très mal traduit en français comme médecin traditionnel, perdant totalement la dimension spirituelle, pourtant essentielle.

[iii] San Andrés y Yaquivá sont des “resguardos” (territoires indigènes) de la municipalité de Inzá.

[iv] Merci en Nasa Yugwé, comme en quichua!

La escuela andante: un camino de educación Nasa en Tierradentro

Contexto local

« La naturaleza me ha educado como educó a las aves del bosque solitario que ahí entonan sus melodiosos cantos y se preparan para construir sabiamente sus casuchitas sin maestro », Manuel Quintín Lame

P1150797

Hace unos 30 años que se está planteando el tema de la recuperación de lo propio, a través del CRIC, el Consejo Regional Indígena del Cauca. Después de 500 años de colonización, empezando por guerras fuertes dado la resistencia de este pueblo a los conquistadores españoles, continuando con la evangelización de los jesuitas, y terminando hoy con la institucionalización de los territorios a través del estado colombiano, gracias a la educación moderna tomando una posición ultra dominante.

De las tres fases de dominación, la forma actual parece ser la más eficiente. Si 500 años de guerra y de presencia de los curas no han podido acabar con la esencia de la cultura Nasa, el sistema escolar lo está haciendo en apenas algunas generaciones, transformando el ser Nasa (el cual considera la naturaleza como origen de todo) en un consumidor capitalista frustrado por su « pobreza” (el cual considera el dinero como origen de todo). Es indispensable hoy replantar lo que es la educación para este pueblo, si quiere seguir el modo de vida que hoy casi solo conocen los mayores. Pero si muchos reconocen la necesidad de la tarea, hay mucha divergencia sobre lo que debe ser esta educación propia.

La mayoría de la personas ven la escuela como el único lugar para formarse y alcanzar un « nivel de vida », descreditando los saberes ancestrales. Una situación bien común en nuestro sistema capitalista global, pero que interpela todavía más en el caso de una cultura de resistencia como la del pueblo Nasa. La avalancha de 1994 no ayudo en nada: después de este desborde del Rio Páez que mató a 1500 Nasas llegaron los chacales culturales de la cooperación internacional, sobre la forma de ONG, instituciones colombianas y extranjeras. La tentación de mirar a este pueblo como “pobres que no tienen ni educación ni salud » (palabras del dirigente de la Nasa Kiwe, durante el encuentro de Avirama el 25 de abril 2013) fue demasiado grande. Si analizamos de manera más política la situación, es también la oportunidad de acabar con una resistencia que no paro en 500 años, muchas veces expresada de forma violenta. En el Cauca existió la guerrilla Quintín Lame hace unos 30 años, para recuperar las tierras que el gobierno colombiano y los terratenientes habían quitado a los indígenas, y proteger sus dirigentes. Esta guerrilla se desmovilizó pero hoy en día están todavía guerrilleros de las FARCs y del ELN (en parte indígenas de Tierradentro) en las montañas que utilizan como refugio. Si estas guerrillas actuales no son aceptadas por la mayoría del pueblo de Tierradentro, son vistas por otros como la única forma de resistir frente al gobierno nacional altamente neo-liberal, que parece más a una dictadura que a una democracia.

Se mira mucho del exterior el proceso de paz actual en Colombia, las multinacionales teniéndose listas para explotar los recursos abundantes de regiones finalmente controladas por un estado que busca la cooptación de todos a su proyecto.

P1150597

Educación propia

« No podremos ir más allá de la sociedad de consumo a menos que entendamos primero que las escuelas públicas obligatorias reproducen inevitablemente dicha sociedad, independientemente de lo que se enseñe en ellas. », Ivan Illich

P1150628Dentro de este contexto muy complejo esta la educación, vista por algunos como el camino para el nirvana consumista, por otros como modo de acabar con la resistencia al sistema capitalista y permitir la exploración de los recursos de estos territorios protegidos, por otros como una forma de recuperar lo « propio » herencia de los antepasados pero también incluyendo los saberes modernos.

Cuando llegué en Belalcazar, entré en contacto con la Nasa Cxha Cxha, la asociación de los cabildos del municipio de Páez, y escuche por la primera vez hablar de educación propia. Muy interesado por el concepto, encontré el equipo pedagógico que me recibió y compartió conmigo lo que están haciendo. Hay actualmente un proceso de recuperación de la lengua local (Nasa yugwé[i], que los profesores deben hablar para hacer parte de las escuelas) y hay también mucha información recuperada a partir de los mayores que se está incluyendo en el currículo en construcción. Sin embargo, son muchos aspectos de la vida que hacen el ser Nasa y es difícil colocar de manera concreta ellos en práctica en los cuadros rígidos de la educación moderna. Acompañado de Ivan Illich y de su crítica radical de la educación moderna « La sociedad desescolarizada », compartí con los compañeros educadores mi preocupación de aceptar los métodos del sistema moderno. Abiertos a la discusión, reconociendo la necesidad de también trabajar sobre « la forma », el grupo aceptó de compartir un rato conmigo para investigar el tema.

En visita a Inzá, el segundo municipio que con Páez forma Tierradentro, descubrí que el equipo educativo de la Juan Tama, la asociación de los cabildos de Inzá, había realizado esta investigación. Mejor, ellos están realizando hoy un proceso con una forma totalmente diferente, que camina con determinación hacia lo propio. Yo vi rápidamente este proceso como bastante coherente para seguir con la cultura Nasa. Iniciado dentro de un aula, la escuela andante la dejo sintiendo que no permitía seguir con la transmisión del conocimiento ancestral, para caminar dentro del territorio.

Escuela andante

« Caminante no hay camino, se hace camino al andar… », Antonio Machado

P1070168La educación no tiene que pasar por una escuela, se aprende más que todo de las experiencias. Por esto, la escuela no se confina en el lugar que ellos ocupan, sino que andan a través de todo el territorio.

Las materias no están enseñadas con un horario, sino como parte del recorrido, con una visión global y no fragmentada como en las otras escuelas. Como se dice, no se está aprendiendo materias, sino a vivir en harmonía con su territorio.

La noción del tiempo es sin embargo diferente. El año nuevo Nasa empieza el 21 de junio al solsticio, y el trabajo con los niños sigue las fases lunares, que también determina los momentos de trabajo agrícola y los rituales sagrados.

La parte espiritual es fundamental, conectarse con los espíritus y la madre tierra está al centro del proceso. En este ámbito, el apoyo de los mayores y de los « te hwahla »[ii] es muy grande. Como lo dice el « te hwahla » hablando del grupo de la escuela andante « los espíritus están con nosotros, nos están apoyando ».

Aquí retomo las palabras de Angélica:

Somos pocos, es una escuela pequeña que lo único grande que tiene son los sueños… ha sido la muestra de que si se puede hacer algo diferente. Son 7 chicos y chicas que están aprendiendo mucho recorriendo el territorio, no aislándose de la realidad que ellos mismos viven, andan contentos, sin cumplir horarios ni clases restringidos que fraccionan los conocimientos, sus padres están todo el tiempo pendientes y apoyando todo lo que se hace, también comprometidos, ahorita estamos acompañando tres compañeras, desde el principio planteamos que no nos llamen profesoras, compañeras que también estamos aprendiendo y sorprendiéndonos de cosas sencillas que no nos habíamos dado el tiempo de vivir. De igual manera hay otros compañeros que desde otros lugares están apoyando y le creen a ir tejiendo de a pocos nuestros sueños.

Hoy son 7 niños entre 6 y 12 años que conforman la escuela andante de San Andrés[iii], más 6 niños de menos de 5 años en Yaquivá que empiezan con una maestra bilingüe, porque hay que empezar desde el aprendizaje de la lengua materna. Estos niños pequeños andan de casa en casa y comen siempre los productos de la huerta de cada familia, que se trabajan en mingas con los padres. También hay grupos de adultos en Yaquivá, que una vez por semana trabajan en la finca de alguno del grupo, desherbando con machete y constituyendo abono orgánico.

P1150965

Como lo dice Rivel, la educación es integral:

El camino de la educación propia nos tiene que llevar a vivir dignamente, alegres, en armonía con nuestra madre tierra, con nosotros mismos y los demás, a ser autónomos en nuestras decisiones desde la más pequeña hasta la más grande, en este sentido nos educamos desde la práctica. El primer punto que se requiere avanzar en esta sociedad adormecida e amaestrada para reproducir el sistema es la conciencia. Intentamos construir conciencia desde la recuperación de las semillas, la realización de los abonos orgánicos, la realización de la huerta o tul nasa, la reflexión y la creación de organismos sensibles con capacidad de análisis y discernimiento sobre sus propios problemas con capacidad de proyección.

En esta perspectiva  existen 20 familias que nos encontramos todos los martes, miércoles y viernes para hacer la huerta y en ella ir recuperando las semillas. Una hora de cada día de estos lo dedicamos a hacer reflexiones de contexto, a definir metas y compromisos para ir avanzando en reeducar nuestras mentes costumbres y cuerpos ya socavado por el sistema capitalista. Nos intentamos educar para la vida. Es necesario abordar la educación como un asunto que toca toda la sociedad es decir toda la familia desde el más pequeño hasta el más grande. Cuando la educación responda a las necesidades y realidades de las familias, se fortalece. Nuestra perspectiva de educación involucra necesariamente la familia en su integralidad.

Las participantes son muy conscientes de lo que es la propuesta, y es necesario porque muchos no la apoyan. Del gobierno que no quiere reconocer este proceso como válido, hasta las comunidades mismas que acreditan más en las escuelas modernas. El apoyo más grande viene de algunos mayores que ven allí la única forma de seguir con el ser Nasa.

 

Dificultades actuales 

« Si está llegando para ayudarme, pierde su tiempo. Pero si está llegando porque su liberación está vinculada a la mía, entonces empezamos », Lily Walker

Si la dirección antigua de la Juan Tama compartía esta visión de la educación propia, permitiendo el desarrollo de propuestas como la de la escuela andante, la nueva directiva hoy no concorde en apoyarla. Esto demuestra la divergencia de opiniones sobre la educación propia. La consecuencia inmediata es que el apoyo financiero de este grupo de educadores excepcionales va a parar.

Si bien la propuesta es de ser totalmente autónomos con la constitución de una economía propia, todavía se necesita fortalecerla, sin caer en el paternalismo. Como lo dice Rivel:

El dinero condiciona la voluntad, y cuando se acaba la voluntad se terminan los procesos. La educación propia tiene que ser como el agua que fluye por los ríos que escapa a cualquier obstáculo si se estanca, pues se evapora para continuar fluyendo.

P1150699La fuente principal de ingreso en esta región es el café. Para la construcción de una “economía propia”, se comercializa un café orgánico que se exporta en Europa y Estados Unidos, de calidad excepcional y llamado Café Tierradentro, y se venden otros productos como jabón ecológico, champús, aceites esenciales y otros derivados de plantas medicinales, fideos. La expansion del cultivo de café es un problema actualmente. El grupo se pocisiona contra el monocultivo, colocando el principio de soberania alimentaria al primero  y busca a diversificar las fuentes de ingreso.

Al nivel político, la propuesta es tan profunda que el líder del grupo ya fue amenazado de muerte y las autoridades locales están atacando el proceso. Aquí más palabras de Angélica sobre la situación de la escuela andante en el Resguardo de San Andrés:

El tejido se hace fuerte por la conexión que hemos tenido con los seres de la naturaleza que nos permiten la vida, a quienes agradecemos todos los días. Y que nos ayudan a estar firmes frente a los diferentes obstáculos que se nos presentan. Porque por pequeño que parezca esto se ha vuelto algo muy grande que a varios ha puesto en riesgo.

En este momento el gobernador de turno y su cabildo, […] y personas de la comunidad […], son los que ahorita están atacando este proceso, lo atacan porque muchos de los que están apoyando esta escuela fueron los líderes que gestaron hace ya casi tres años una lucha por la educación propia en el resguardo, que ahora se ha convertido en un colegio convencional con nombre indígena, como muchos otros, con el que no estamos de acuerdo y por lo cual se plantea gestar esta nueva experiencia.[“la escuela andante”]

El ataque ha sido complicado porque la discusión es cerrar esta escuela, no han podido porque ésta no tiene puertas ni muros, entonces lo que plantean es castigarnos y sacarnos del territorio por algo que ellos llaman divisionismo.[…]

Igual seguimos con energía y fuerza porque le creemos a esto y sentimos que es un camino posible… […]

La idea es concientizar a varios de que acá y en otras latitudes se puede soñar y trabajar para cumplir nuestros sueños, que se puede vencer el miedo de pensar y hacer algo diferente, algo más justo, más digno de ser vivido.

 

Sueños a compartir

Descubriendo un poco de lo que está haciendo este grupo, me quedé impresionado por la profundidad de su compromiso con su cultura y sus utopías. Me puse a soñar con ellos que si podemos construir un sistema educativo diferente, ellos lo están haciendo.

Al mismo tiempo, la dificultad mayor que se encuentra es de conseguir a compartir este sueño dentro de sus propias comunidades. Por esto, ellos están en un proceso difícil de aceptación, de mostrar que si es posible educar de esta forma.

Parado para aprender más de la educación propia, quería investigar con los educadores de la Nasa Cxha Cxha. Descubrí una experiencia que me parece hacer las buenas preguntas, más que dar respuestas. Por esto,  quiero aquí compartirlo con todos, porque estos caminos hacia el buen vivir se construyen en la adversidad, la de luchar para cambiar la realidad. Deseo que esta experiencia sea difundida, respectada, y acompañada para que los compañeros reciban energías positivas en su camino hacia la paz, la paz verdadera, no aquella que permitiría la destrucción de la vida.

Pai[iv] compañeros para su hermoso labor, y un saludo al pueblo Nasa de Tierradentro!

Gracias a todos los que pueden difundir esta experiencia valiosa!


[i] Le lengua local es de tradición oral. No tiene mucho sentido escribirla, porque pierde su dimensión simbólica, espiritual. Los primeros a querer escribirla fueron los curas con una voluntad de evangelización. Se ha tratado de unificar la manera de escribirla en los últimos años, a través del CRIC, pero todavía el debate es grande. Yo escribo las palabras de la forma que se pronuncia, pero la única manera de entenderlas realmente es de vivirlas!

[ii] Te  hwahla » está muy mal traducido en español como médico tradicional, vaciando totalmente la función espiritual que cumple, en contacto con los espíritus.

[iii] San Andrés y Yaquivá son resguardos (territorios) del municipio de Inzá.

[iv] Gracias en Nasa Yugwé, como en quichua!